Biographie

Nous existons dans nos différences ; seul nous relie à l’humanité et à la vie, ce qu’il y a d’universel en nous.

Sans en avoir la rigueur méthodologique, l’art est une approche cognitive du monde au même titre que la science ; il sonde, interroge, propose, affirme une vision… parfois se trompe. Cependant, quelque soit le jugement que l’on porte, une œuvre est la marque manifestée dans le temps et l’espace de l’aventure humaine.

Dessinée, gravée ou peinte, l’image révèle plusieurs états, plusieurs ambiances, plusieurs impressions en un seul acte volontaire et affirmé.

L’objet « photographie » est un instant de présent arraché au passé ; un présent éphémère désiré comme éternel dans sa représentation temporelle et figée : un instant unique.

Parce qu’elle prétend reproduire la réalité de façon sensible et sélective, l’image photographique dans ses deux seules dimensions, se présente à nous ; elle s’impose là où il conviendrait découvrir et s’investir pour mieux percevoir, mieux ressentir. 

L’image est plus importante que l’écriture – écrit Roland Barthes – Elle impose la signification d’un coup, sans l’analyser, sans la disperser.

En perturbant visuellement l’instant originel rendu immobile, le travail graphique force l’implication de l’observateur. L’image devenue «Photo-Graphie» ne s’impose plus, elle suggère et offre au regard la possibilité de l’interprétation et de la découverte.

Aller à l’essentiel, effacer l’inutile, le parasite, indiquer la fragilité, souligner la faille, l’incident, l’éphémère. Se laisser envahir sans jugement ; peut-être s’enrichir de ce que l’autre nous offre de sa différence ? Deviner l’universel en lui.

La quête de la beauté, comme la recherche de la vérité, se confronte toujours à la réalité de la matière, sa vie, sa malléabilité, ses métamorphoses. Dans le portrait, cet objectif s’affronte souvent à une résistance confuse entre l’image que le modèle voudrait donner à voir de lui-même, c’est-à-dire l’idée de ce qu’il imagine tendre vers la perfection, et la réalité profonde qui lui est propre. 

Or, la beauté s’immisce justement dans la fragilité, la rupture, la différence et souvent l’imperfection. La beauté ne se définit pas dans les seuls critères canoniques et iconiques, elle se révèle dans la cohérence de notre réalité.

Certaines formes abstraites stimulent en nous des sensations que le figuratif parfois occulte. Il y a dans la matière rendue conceptuelle, une manière musicale d’envisager le monde ; c’est un jeu fluide et chromatique qu’il faut laisser librement éclore.

Peu importe ce qui nous est donné à voir, peu importe l’auteur, l’important se trouve dans la capacité de l’œuvre à nous émouvoir, à nous faire découvrir, peut-être comprendre une réalité jusqu’alors inconnue à nous-mêmes. 

Une œuvre qui ne célébrerait pas la vie, une œuvre qui ne changerait pas en nous ne serait-ce qu’une infime partie de notre pensée, une œuvre qui ne parviendrait pas à susciter la moindre émotion fut-elle de colère et d’irritation, une telle création ne pourrait prétendre à la définition de l’art.

Réflexions d’hiver en regardant la mer.
Dans le silence de l’intime, nos regards révèlent notre vision du monde.

« Vanitas vanitatum et omnia vanitas », la question ancienne de l’œuvre inhibée, occultée, inutile, transparente, invisible, demeure une réalité sourde pour tout auteur, une réalité inavouable, enfouie parce que secrètement douloureuse.

L’œuvre exprime-t-elle son questionnement au monde pour flatter seulement un ego vacillant devant un miroir vide de toute présence ? Appelle-t-elle une reconnaissance narcissique ou bien souhaite-t-elle simplement partager ce qui fut imaginé, saisi, peut-être figé dans une éphémère inspiration ou une banale évidence ?

L’enfant se construit dans le regard de l’autre, l’artiste en partie également, et le silence le plonge dans des abysses effrayants.

La question doit-elle se réduire à l’équation matérielle ? Le plébiscite sanctionné par l’argent comme seul critère d’éligibilité ?

Cependant, quel trouble nous envahit en regardant la « Jeune Fille à la Perle » de Vermeer ?

Comment concilier la représentation géante en métal laqué d’un caniche supposé de baudruches avec « La Porte de l’Enfer » d’Auguste Rodin, la délicatesse des jeunes geishas et maikos peintes par Kitagawa Utamaro, la puissance du Marché des Chevaux de Rosa Bonheur, la « Piétà » de Michel-Ange, les masques doubles Kwakiutl ou les visages éclairés à la bougie de George De La Tour ?

Ce n’est pas tant la monétisation que le regard que nous portons sur nous-même, une exigence profonde faite de respect et d’humilité.

Sommes-nous illégitimes comme tant d’autres n’hésitant pas un instant à exhiber avec une suffisance impudique leurs « créations » dérisoires ?

Nous gardons le silence par lâcheté, par courtoisie ou la simple crainte d’être jugé d’une incompétence culturelle, peut-être cultuelle ?

Le regard, l’attention portée comme clé d’accès au monde, à l’altérité. La beauté physique, l’évidence formelle qui attire ou pas le regard de l’autre, celle qui marque l’intérêt. L’apparence de l’être qui révèle ou occulte l’existence même. Le regard brûlant derrière le masque éteint.

La quête du beau, comme celle de la vérité ; non pas le beau selon les différents canons culturels académiques et confus, mais le beau comme aspiration vers une transcendance universelle, le beau comme un absolu, le beau qui un instant arrête le temps ; ce temps suspendu que seuls les amoureux connaissent.

L’émotion surgit toujours d’une rupture.

Après avoir construit une carrière liée au cinéma de longs métrages comme technicien et scénariste, au cinéma publicitaire et à la communication comme réalisateur, après avoir partagé avec ses fondateurs la naissance de l’image de synthèse en Californie, le monde s’exprime dorénavant pour moi dans la plénitude du silence des mots et de quelques photographies.

Contact : francois.pecnard@gmail.com